La séparation parents-enfants pendant les vacances – vision de Philippe DUVERGER,
pédopsychiatre et auteur de l’ouvrage « Mes parents sont fragiles ».
Pédopsychiatre, Philippe DUVERGER dirige le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHU d’Angers (49). Spécialiste des relations parents-enfants, il vient de publier « Mes parents sont fragiles », aux éditions Anne Carrière. Il revient, pour nous, sur la difficulté à se séparer de ses enfants pour les vacances.
A quel moment peut-on envoyer son enfant seul en vacances ?
On peut commencer par l’envoyer, très tôt, quelques jours dans un cadre familier : chez ses grands-parents, par exemple. Partir plusieurs semaines, en camp de vacances, cela sera plutôt en fin de collège. Entre temps, l’enfant peut partir chez un copain, avec sa classe, en colonie… Une semaine la première fois, puis, 15 jours vers 9 ou 10 ans.
Est-ce normal d’avoir du mal à lâcher son enfant ?
Bien sûr, c’est normal, mais cela ne doit pas l’empêcher. Car, cela parait paradoxal, mais le vrai métier de parent… c’est d’apprendre à se séparer. Quand on aime, on ne peut pas être dans une surveillance continuelle. Quand l’enfant est à l’école, il y est sans vous, et, a priori, tout se passe bien.
Comment le vit l’enfant ?
Pour l’enfant, se séparer, c’est toujours bénéfique. En lui permettant de partir sans eux, les parents lui font confiance : il peut partir seul, il en a les ressources, il en est capable. Eprouver cette confiance des parents va faire grandir, chez l’enfant, sa propre confiance en lui. Et cela va faciliter la séparation.
Se séparer, c’est donc important ?
C’est fondamental. On ne peut pas être présent tout le temps… Quand on ne fait pas confiance à son enfant, qu’on ne le laisse pas aller à l’école ou à la boulangerie seul, on le limite. Il ne peut pas apprendre à vivre en dehors de leur regard, de leur portée. C’est important de l’autoriser à se détacher de soi.
C’est compliqué d’être « un bon parent »…
Oui, un parent parfait, cela n’existe pas. On fait comme on peut, on est le meilleur possible. On a le droit d’être inquiet, bien sûr, mais si l’on est envahi par l’angoisse, on risque d’angoisser son enfant, qui ne pourra rien faire, sauf rester « dans les jupes de sa mère » ou « dans les pattes de son père ».
Et tous ces faits divers ?
Quand j’étais petit, on jouait dans les terrains vagues, on était dehors toute la journée… Aujourd’hui la société est anxiogène. Laisser son enfant aller seul à l’école ? Immédiatement, cela évoque toutes sortes de fantasmes : accidents, pédophilie… Mais si on lui laisse comme seul espace de liberté sa chambre, on risque d’élever un enfant « sous cloche »…
Comment se rassurer ?
La vraie mission des parents, c’est bien sûr de protéger ses enfants. Une société sans danger, cela n’existe pas, mais on peut les diminuer, en choisissant par exemple un centre de vacances sérieux, où l’on est soi-même allé, réputé pour son équipe…
Et si l’enfant est inquiet ?
La première fois, on peut proposer qu’il parte avec un autre enfant qu’il connaît, un copain ou un frère. On peut lui expliquer qu’il pourra compter sur les adultes du centre. Il y aura peut être des moments difficiles comme le coucher… mais les enfants ont une capacité d’adaptation inimaginable.
Mais est ce que cela va lui plaire, la collectivité ?
C’est comme l’école : à la rentrée, on s’inquiète. Est-ce que cela va bien se passer avec l’enseignante, la dame de la cantine, les copains ? Mais on sait que c’est pour son bien ! C’est pareil : un séjour seul, c’est un moment d’apprentissage formidable !
Et s’il n’en a pas envie, que lui dire ?
Le fait qu’il parte ne doit pas être vécu comme un abandon ou comme une solution pour se débarrasser de lui, pour partir en couple ou travailler tranquillement par exemple. Afin de lui donner envie, on peut choisir ensemble la destination, l’activité qu’il aime… Et lui présenter ces vacances comme une vraie chance.
C’est à dire ?
Va-t-il souffrir d’être seul ? La réponse est non : dès qu’on s’assoit dans le bus, on se fait des copains ! C’est une expérience très enrichissante. Les enfants qui partent ainsi sont souvent plus épanouis, plus matures, plus ouverts.
Parce qu’ils rencontrent un autre univers ?
Oui, ils découvrent d’autres personnes, d’autres activités, d’autres rythmes… Quelle richesse, quelle ouverture, plutôt que de vivre replié sur soi ! Cela permet de découvrir la différence, c’est fondamental. Aimer son enfant, c’est aussi lui permettre cela.
C’est donc profitable ?
Si l’on ne sépare jamais de ses parents, c’est difficile de réussir à grandir. Pour se réaliser par soi-même, il faut les quitter. C’est important pour la suite : les jeunes qui vont bien, on les retrouve plus tard, en mobilité internationale, à l’autre bout du monde !
Propos recueillis par Agnès MOREL
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