L’épidémie de coronavirus a déstabilisé le marché des séjours linguistiques, qui tente bon an mal an d’anticiper l’été en revoyant ses offres.
«Nous sommes bien conscients qu’on ne reviendra jamais à la situation d’avant», prévient Xavier Obert, directeur général du groupe Go&Live, qui accompagne chaque année plus de 160 000 jeunes à travers le globe. Car quoi de mieux qu’un séjour linguistique immersif pour pratiquer une langue et découvrir une culture. Une époque révolue en raison de la crise sanitaire? Toujours est-il que les organismes doivent s’adapter à la situation, souvent dans le flou.
Le constat, amer, est partagé par tous. Le marché est déstabilisé et avance dans le brouillard. Il y a moins de demande cette année. En 2019, dernière année «normale», selon un décompte effectué auprès de ses partenaires, l’Office national de garantie des séjours linguistiques et éducatifs (L’Office) recensait 182 500 départs, tous âges et programmes confondus. À ce moment-là, 20% étaient des 18-25 ans et 14% de cet échantillon étaient des étudiants. La même année, le groupe Go&Live faisaient voyager 3 000 étudiants, sur un total de 165 000 participants. Mais le coronavirus est passé par là.
De l’optimisme dans un océan d’incertitudes
«La demande est très faible aujourd’hui, affirme Sabine Bonnaud, déléguée générale de l’Union nationale des organisations de séjours éducatifs, linguistiques et formation en langues (Unosel), qui a fait partir 55 000 personnes, dont 11% d’étudiants, en 2019. Il y avait eu une reprise avant le troisième confinement car les parents se projetaient sur l’été. Mais ça a rechuté.» Même si Eric Souard, délégué général de L’Office, label référent du secteur linguistique et éducatif qui travaille avec 34 organismes, observe une légère reprise des demandes, il confirme: «Les familles ne savent pas si les séjours pourront avoir lieu.»
«Nous avons d’ores et déjà mis une croix sur l’Afrique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande»Xavier Obert, directeur général Go&Live
Les étudiants, notamment, pourront-ils partir cet été? «On suit la situation au jour le jour», poursuit Eric Souard. Situation concrète: depuis le 15 avril, l’Irlande, destination phare, impose une quarantaine de 14 jours à l’arrivée sur son territoire. «Or, on ne connaît pas la durée de cette mesure. Les organismes continuent à proposer leurs offres, mais ne sauront ce qu’il est possible de faire à la dernière minute.»
Xavier Obert, lui, se dit confiant concernant quelques destinations, comme Dubaï, la Grande-Bretagne et Malte. «Et là encore, ce sera adapté, explique-t-il. Il y a aura moins de transports en bus ou encore moins de familles hôtes. Pour le reste, on est attentif sur d’autres destinations comme les États-Unis. En revanche, nous avons d’ores et déjà mis une croix sur l’Afrique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.» A l’Unosel, qui regroupe une soixantaine d’organismes, «les organisateurs n’ont rien bloqué», détaille Sabine Bonnaud, qui partage le même constat que M. Obert quant aux destinations.
La France, première destination des séjours linguistiques?
Une réorganisation est donc en cours et met l’accent sur… la France. «Ce sera la première destination cet été, très clairement. Et on a d’ailleurs beaucoup de demandes», affirme Xavier Obert, dont le groupe programme des séjours d’anglais dans soixante villes de France sous le nom «American village». Côté Unosel, des organismes partenaires développent des projets similaires. En 2019 déjà, la France était la deuxième destination pour les séjours anglais Unosel, qui représentaient 10% des séjours proposés par l’organisme. «L’objectif est de reconstituer une bulle immersive», assure Sabine Bonnaud.
Ces nouvelles offres ciblent aussi des publics très précis. À l’instar de programmes de séjours linguistiques dédiés aux étudiants en classes préparatoires dans sept villes de France mis en place par des partenaires de Go&Live. Enfin, est prévu dans certaines structures un glissement vers le distanciel, dans l’ère du temps.
Réserver au dernier moment: une fausse bonne idée
Une des questions qui revient le plus est celle de l’engagement et du remboursement au cas où un voyage serait annulé. De ce côté-ci, les organismes rassurent. «En cas d’annulation, les organismes proposeront de décaler le voyage, de changer de destination ou un remboursement», explique Eric Souard. Chez Go&Live, «soit on décide de ne pas partir et on peut être remboursé moyennant franchise, soit on vous rembourse obligatoirement car nous ne sommes pas en mesure d’assurer le voyage», précise Xavier Obert.
Sabine Bonnaud, elle, recommande vivement de souscrire les assurances proposées par les organismes. Et d’avertir: «Les réservations de dernière minute ne sont pas encouragées. Attendre qu’un pays ouvre ses frontières au dernier moment pour réserver un séjour est un piège.» Les organismes réduisant leurs jauges, il se peut qu’il n’y ait plus de place.
Le ciel sera-t-il moins encombré dans les prochaines années? «On espère qu’à partir de la Toussaint et 2022, l’évolution sanitaire et la vaccination, voire la mise en place des passeports sanitaires, nous feront voyager plus facilement, veut croire Xavier Obert. D’abord en Europe puis plus loin après.»